Interview de Hugues Mouret, Naturaliste, Fondateur et directeur scientifique de l’association Arthropologia  créée en 2001

Baussant Conseil a découvert l’association Arthropologia dans le cadre des Rencontres pour la Planète (organisées chaque année par le collectif 1% pour la Planète), et a soutenu cette association. Nous sommes heureux de la mettre en lumière et de donner la parole à son fondateur.

Pouvez- vous présenter votre parcours ?

Dès l’enfance, j’ai eu un goût prononcé pour la nature, l’observation des animaux et des plantes dans les champs, les bois, des insectes et autres bestioles. Je prenais déjà la défense de ces mal-aimés que sont les mouches, guêpes, araignées, mais aussi les serpents, crapauds, ou encore les orties, ronces, chardons, etc, tous ces petits vivants qui effraient, voire dégoûtent la plupart des humains, à mon grand désespoir.

J’ai décidé de me lancer dans cette voie après y avoir murement réfléchi. J’avais d’abord imaginé un insectarium pédagogique, un espace ouvert pour présenter la biodiversité. Mais était-ce un modèle viable et pérenne ? Pas sûr.

D’où la naissance de l’association Arthropologia ?

Exactement ! La création d’une association naturaliste, en 2001, m’est alors apparue comme le meilleur moyen de transmettre à la fois ma passion pour la biodiversité et le savoir dans ce domaine. C’était par ailleurs un système économique viable, qui me correspondait davantage.

Que signifie Arthropologia ?

Arthropo pour arthropodes, les animaux recouverts d’une carapace à pattes articulées, c’est-à-dire les arachnides, mille-pattes, crustacés et insectes.

Logia pour logos : parole / sciences / étude en grec.

C’est donc un néologisme qui signifie « l’étude, la science des arthropodes ».

Quels sont les objectifs et missions de l’association ?

L’association est née d’abord pour étudier et participer à la connaissance, mais aussi de la volonté d’agir pour favoriser et protéger la biodiversité, sensibiliser le public, pour former les agriculteurs, les pouvoirs publics, les enseignants, les journalistes, ou encore pour accompagner les collectivités locales. La sensibilisation des agriculteurs est primordiale : ils jouent un rôle clé et déterminant pour l’ensemble de la population. L’agriculture est un des plus gros leviers impactant les milieux naturels d’un point de vue chimique et mécanique. Mais ce n’est clairement pas le seul !

Nous organisons également des animations avec le jeune public et notamment les écoles afin d’éduquer les enfants à la nature, à l’environnement, ainsi que des sorties, des ateliers et chantiers pour le grand public, les familles.

Le public adulte est davantage mobilisé autour d’activités de passage à l’action et nous travaillons sur des outils utilisables à grande échelle, comme notre Diagnostic pollinis’Actions. Disponible en ligne, il permet à tout un chacun d’évaluer en autonomie si un jardin, un espace vert, répond aux besoins des pollinisateurs. Des pistes d’actions personnalisées sont ensuite proposées pour améliorer les capacités d’accueil du site.

Près de 200 bénévoles, dont une trentaine d’entre eux très actifs, participent au fonctionnement de notre activité en relayant les informations lors d’opérations de sensibilisation ou encore en participant, par exemple, à des récoltes de graines ou des chantiers de plantations.

Nous avons également un important réseau mobilisé autour de nos « Atlas » qui visent à recenser, sur un territoire, la présence, la répartition et la vulnérabilité de certaines espèces (abeilles, bourdons, coccinelles).

Pour ma part, je me déplace un peu partout en France, voire à l’étranger, parfois même jusqu’à la Commission européenne à Bruxelles, pour plaider la cause que nous défendons, pour porter la voix des sans-voix et des mal-aimés. Il faut sans cesse répéter que nous en dépendons totalement ! Ainsi, nous intervenons au niveau national mais aussi en Europe : Belgique, Suisse, Espagne, Italie, Angleterre…

Pour l’anecdote, au cours de ces déplacements dans de multiples villes, je privilégie la marche ce qui me permet d’observer les arbres, les oiseaux, les insectes qui vivent en milieu urbain.

Quelle est le modèle économique de l’association ?

Notre modèle économique repose sur des conventions de partenariats avec des collectivités, ce qui représente un peu plus de la moitié de notre budget. Le reste provient de prestations et interventions dispensées à l’attention de centres de formations d’employés municipaux en charge des espaces verts ou d’agriculteurs, d’animations dans les écoles, de vacations d’enseignement dans les universités, de suivis entomologiques, de collaborations avec des organismes de recherche (INRAE, Muséum…), mais également de dons, de mécénat et de philanthropie.

Nous avons un budget annuel d’environ 1 million d’euros, le principal poste étant les salaires à destination de nos 25 salariés.

Les bénéfices sont redistribués dans les objectifs de l’association, ce qui permet ainsi de pérenniser nos salariés et nos activités.

Avez-vous observé des avancées, des progrès dans l’approche que peuvent avoir les pouvoirs publics et la population vis-à-vis de la biodiversité et plus généralement de la nature ?

Il y a indéniablement une énorme prise de conscience de la détérioration grave de l’environnement, de la biodiversité. Mais malgré cela, les dégâts persistent, accélèrent même : par exemple la destruction des haies et les conséquences que cela entraine. Même si les plantations reprennent, les kilomètres d’arrachage demeurent plus importants encore. Pour vous donner un ordre de grandeur, sur 6 000 à 7 000 km de haies restaurées chaque année, plus de 20 000 disparaissent encore. Vous voyez, le différentiel reste considérable.

A cause des pollutions diverses (agricoles, industrielles, routières, domestiques, lumineuses…), de la destruction massive des habitats, l’environnement est considérablement fragilisé. Les insectes, abeilles, bourdons ont des fonctions essentielles, comme la pollinisation des plantes, d’autres comme les mouches, scarabées etc assurent le recyclage des matières organiques… Sans eux la vie, telle qu’on la connait, s’éteindrait peu à peu. Selon une étude réalisée en Allemagne entre 2008 et 2017 sur 290 sites (prairies et forêts), 8 insectes sur 10 ont disparu en 10 ans seulement, c’est catastrophique ! Et depuis 7 ans, la situation a malheureusement sans doute encore empiré… Or, sans insectes, il n’y a pas de plantes, pas d’oiseaux, pas de chauve-souris…

Il est donc capital de changer notre regard et nos rapports, urgemment, et d’être enfin respectueux de cette magnifique nature avant que tout ne se désagrège de manière irréversible. Nous ne sommes sans doute plus très loin du point de non-retour…

Qu’est-ce-qui vous anime dans votre activité ?

La vie sauvage ! Bien sûr, l’entomologie, c’est-à-dire l’étude des insectes, mais d’une manière générale la biodiversité me passionne. Je suis tantôt sur le terrain à observer la faune et la flore, tantôt à animer des conférences pour le grand public ou des formations face à des journalistes, des agriculteurs ou des politiques. Aussi, je pratique de plus en plus le plaidoyer auprès d’instances françaises et européennes.  Mais au-delà, la transmission de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être me parait indispensable, à l’attention de stagiaires, d’étudiants et de professionnels. Je commence peu à peu à passer le flambeau. C’est indispensable après toutes ces années épuisantes d’implication permanente.

En qualité d’entomologiste, avez-vous un insecte préféré, un insecte qui vous impressionne plus particulièrement ?

Non, je n’ai pas de préférence. Tous les insectes me passionnent et m’épatent, ils ont tous leurs caractéristiques, la moindre mouche ou abeille sauvage est fascinante. Savez-vous, par exemple, qu’il existe des abeilles de 2 mm quand d’autres font 3 cm, parmi environ 1 000 espèces en France ? Cette diversité est tout à fait stupéfiante.

Avez-vous une devise ?

« Ne rien lâcher, jamais », telle ma devise ! Car je demeure, malgré un constat peu réjouissant, parfois même effrayant, un éternel optimiste. Enfin et surtout, pour nos descendants, pour le maintien de la vie sur Terre, nous n’avons tout simplement pas le choix.

Personne accroupie au milieu d'herbes hautes

Photo ©Antoine Boureau

Propos recueillis par Ingrid Masson, Office Manager de Baussant Conseil

Retrouvez l’association ici :  Arthropologia et d’autres interviews de portraits inspirants sur notre blog

Baussant Conseil est un cabinet indépendant de conseil en gestion de patrimoine créé en 2002, éthique et responsable et basé sur deux localisations : Saint-Germain-en-Laye (Ile-de-France) et La Chapelle d’Armentières (Lille, Hauts-de-France). Notre objectif est d’accompagner nos clients dans la durée pour la gestion et le suivi de leur patrimoine. Nous faisons partie depuis 2018 du collectif 1% pour la Planète, nous nous engageons ainsi à reverser 1% de notre chiffre d’affaires à des associations environnementales.

Vous pouvez retrouver toutes nos coordonnées ici : https://www.baussantconseil.com/contact/