La différence entre ESG, ISR et finance solidaire : une interview de Pascale Baussant pour Europe 1

Quelle est la différence entre ESG et ISR ? Qu’est-ce que la finance solidaire, la finance à impact ou encore, le règlement SFDR ? Pascale Baussant, la fondatrice du cabinet Baussant Conseil, a pu répondre à ces questions dans l’émission d’Europe 1 “Tout Sur Votre Argent”.

Pour écouter l’émission, rendez-vous sur :  https://www.europe1.fr/emissions/tout-sur-votre-argent/hors-serie-special-esg-quelle-est-la-difference-entre-esg-isr-et-finance-solidaire-4149386

Voici la retranscription de l’émission :

Jean-Philippe Dubosc, journaliste pour Europe 1 : Pascale, pourquoi la finance responsable est-elle peuplée d’autant de sigles et d’acronymes ?

J’aimerais bien pouvoir vous répondre facilement. Il est vrai qu’il existe une grande complexité d’acronymes, d’initiales, qui ne sont malheureusement pas explicites pour le grand public. Toute pédagogie est extrêmement utile pour essayer de décrypter, de comprendre, ou en tout cas de faire comprendre, ce qu’est la finance responsable.

Le premier épisode de notre hors-série spécial finance responsable a été consacré à l’ESG. Pourriez-vous rapidement nous rappeler ce que veut dire ce sigle ?

ESG signifie Environnement, Social et Gouvernance. Avec l’ESG, nous ne nous intéressons pas uniquement à des critères de performance financiers, nous cherchons à avoir un impact sociétal.

Quelle est la différence entre l’ESG et l’ISR ?

L’ESG est la définition de ce qui n’est pas uniquement financier : l’environnement, le social et la gouvernance.

L’ISR représente toute la catégorie des investissements socialement responsables possibles, accessibles et éligibles au grand public. Nous avons une grande catégorie d’investissements ISR possibles et accessibles par le grand public. Nous pouvons commencer par l’épargne salariale, qui a été le premier canal permettant l’accessibilité aux produits d’investissements responsables. Nous avons aussi aujourd’hui toute la panoplie des produits financiers classiques qui sont éligibles dans toutes les grandes catégories, comme l’assurance-vie, l’épargne-retraite, le PEA et le compte-titres. Il est intéressant de savoir que l’investissement responsable est accessible partout. Ce que l’on peut rajouter également, c’est le fait que l’investissement responsable présente des minimums d’investissement extrêmement faibles. Il est accessible au plus grand nombre.

Qu’est-ce que la finance solidaire ?

La finance solidaire place les enjeux sociaux avant la rentabilité. L’outil principal de la finance solidaire est l’épargne de partage. Concrètement, cela peut s’illustrer par un épargnant qui accepte de se couper d’une partie de sa performance, de gagner moins, d’avoir moins de rendement, pour qu’en contrepartie ce rendement revienne à des ONG, des associations. Dans la finance solidaire nous acceptons de gagner moins pour avoir un impact de terrain associatif.

Au moment d’une souscription nous décidons, avec le conseiller financier, si tout ou partie des gains sera reversée à une association et on choisit l’association ?

Tout à fait. Plusieurs catégories d’associations existent : des associations sociales ou plutôt des associations environnementales. Il y en a pour tous les goûts, pour tous les épargnants.

Cela est considéré comme un don et il y a un avantage fiscal ?

Exactement, l’avantage fiscal est, pour simplifier, de 66% de la somme reversée.

On parle aussi de finance à impact. En quoi cela consiste-t-il ?

Nous n’avons pas de définition officielle de la finance à impact. La finance à impact était, au début, destinée aux entreprises non cotées. L’impact est avant tout une recherche de transparence et de mesurabilité.

Concrètement nous souhaitons pouvoir chiffrer les résultats obtenus. En investissant dans telle entreprise, il s’agit de se demander ce que cela va impliquer comme résultat concret. Par exemple, combien de tonnes de plastique ou de CO2 seront économisées, combien d’emplois seront créés… Ce chiffrage n’est pas facile à calculer, mais la finance y travaille. Il y a une forte attente de la part des épargnants pour avoir un peu plus de transparence et de mesure de l’impact de l’épargne.

Un nouveau sigle est apparu récemment dans l’univers de la finance responsable : le SFDR. Que signifie-t-il ?

Cet acronyme représente un règlement européen qui vise à rendre les profils de durabilité des produits financiers plus transparents. Les produits financiers sont aujourd’hui classés en 3 catégories selon le numéro de l’article du règlement. Plus l’article est élevé, plus l’engagement en termes de durabilité est élevé.

Nous commençons par les produits dénommés articles 6. Ces produits n’ont aucun objectif d’investissement durable. L’article 8 intègre des caractéristiques sociales ou environnementales dans la conception des produits financiers. L’article 9 est l’article le plus engagé. On y retrouve les produits financiers les plus ambitieux en termes de durabilité. Concrètement, lorsque l’on souhaite épargner responsable, il ne faut pas hésiter à demander à son conseiller financier des produits article 9.

Alors justement, les conseillers financiers devront bientôt poser à leurs clients des questions relatives à la durabilité avant qu’ils ne souscrivent un placement. Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment cela va se passer ?

Cela consistera à poser des questions aux épargnants, en leur demandant par exemple si cela les intéresse d’avoir des produits durables. Si la réponse est oui, il s’agira de leur demander où est-ce qu’ils souhaitent placer le curseur, quel est le pourcentage d’investissement responsable qu’ils aimeraient avoir dans leur portefeuille. Et enfin, quelles sont les thématiques qui les intéressent : est-ce que ce sont plutôt des thématiques environnementales, la création d’emplois, l’égalité homme-femme… Pour un épargnant qui exprime qu’il ne souhaite pas avoir d’énergie fossile dans son portefeuille, ce qui sera intéressant, c’est l’offre que le conseiller financier va pouvoir mettre en place pour proposer des solutions financières en adéquation avec les attentes de l’épargnant.

Précisons d’ailleurs que ces questionnaires sont une obligation légale. À partir de début 2023, le conseiller, qu’il le souhaite ou non, devra poser ces questions !

Absolument, c’est une nouveauté qui va s’appliquer à tout le monde : aux banques, aux courtiers en assurance, aux conseillers indépendants… Tous les conseillers financiers devront poser ces questions aux épargnants, qui pourront alors saisir la perche qu’on leur tend et en profiter pour exprimer leurs attentes.

Pascale pour conclure, la finance responsable va-t-elle, à votre avis, se généraliser au point de devenir dominante ?

Le chemin va être encore long. Les articles 9, relatifs aux fonds les plus ambitieux en termes de durabilité, ne représentent que 1% des fonds aujourd’hui. Malgré cela, il y a quand même beaucoup de solutions financières qui n’existaient pas il y a 2-3 ans. Il y a par exemple des fonds qui adhérent au 1% pour la Planète. Je trouve cela cohérent en termes d’investissement. Nous avons des solutions tout à fait intéressantes même si nous sommes encore loin de l’aspect dominant.

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